Pierre De Grandi est né à Vevey en 1941. Médecin-chirurgien, enseignant et scientifique, il a terminé sa carrière en 2007 en tant que Chef du Département de gynécologie-obstétrique, Directeur médical du Centre Hospitalier Universitaire vaudois et Professeur à la Faculté de Médecine de Lausanne. Fils de peintre et homme d’une très grande culture, il est passionné de musique et préside l’Association vaudoise des amis de l’Orchestre de la Suisse romande. Il est l’auteur de nombreux livres et articles scientifiques mais YXSOS ou Le Songe d’Eve est son premier roman publié.
1) Parlez-nous de vos habitudes d’écriture. À quel(s) moment(s) de la journée écrivez-vous ? Combien de temps par jour (ou par nuit) y consacrez-vous ? Ecrivez-vous tous les jours où avez-vous des périodes (de la semaine, du mois, de l’année) plus propices que d’autres à cette activité ?
N’importe quand et pour des durées variant de quelques minutes à plusieurs heures, mais idéalement tôt le matin ou tard la nuit. Lorsque le silence et la solitude agrandissent le monde. Tous les jours, en toute saison – « Nulla dies sine linea » (E.Zola) – mais sur des registres et des objets différents (roman, nouvelle, journal, correspondance). La mise en train est souvent une pensée nocturne ou dérivée d’un propos entendu ou lu. La lecture pousse à l’écriture, ne serait-ce que par un mot, qui accroche un souvenir, débusque une comparaison ou cristallise une idée encore non exprimée.Une fois arrêtés les principaux axes du scénario – ce qui peut durer de nombreux mois – et sur la base de notes éparpillées dans des carnets, voir sur des bouts de papier déchirés d’un journal ou de n’importe quoi, l’écriture d’une première version est plutôt rapide. Ensuite vient le long travail itératif et exigeant de relecture/réécriture au cours duquel le texte subi un important remodelage/élagage, ainsi que des modifications structurantes, et surtout un contrôle sans fin de chaque mot dans chaque phrase. De chaque phrase dans la structure et pour le sens.
2) Ecrivez-vous à la main ou sur un ordinateur, ou une combinaison des deux ?
Sur un ordinateur qui contient dictionnaires, encyclopédies et fichiers de notes. Avec, à ma droite, un bloc et un feutre pour poser rapidement des mots résumant une idée à ne pas perdre, quand la pensée va plus vite que les doigts sur le clavier. Je préfère de loin l’ordinateur à la plume et au papier. J’ai le sentiment de mieux voir et de manipuler plus aisément ce que j’écris. Les mots se parlent les uns aux autres, s’appellent, se chamaillent de façon beaucoup plus évidente que sur un manuscrit. La visualisation aisée sur l’écran stimule la clarté de l’idéation. En outre, il est possible d’apposer des notes et de se corriger tout en gardant les mots remplacés.
3) Henri Troyat écrivait debout, Gustave Flaubert déclamait ses textes, Amélie Nothomb avale un demi-litre de thé noir pour se mettre « en transe » avant d’écrire. Avez-vous, comme eux, des habitudes un peu excentriques liées à votre activité d’écrivain ?
N’ayant bien entendu et de loin pas le métier d’Amélie Nothomb, j’en oublie de boire lorsque j’écris. Le plus souvent assis une table ; parfois dans un fauteuil, ordinateur sur mes genoux. Mais toujours à l’intérieur, seul, porte fermée, plutôt face à un mur nu que devant une fenêtre. En fermant souvent les yeux, comme si des moments d’obscurité libéraient le pouvoir d’abstraction. Ceci pour le premier jet. Ensuite pour les phases de relecture/réécriture, j’aime voir par la fenêtre ; il m’arrive de travailler dans le ronronnement des conversations d’un bistrot, parfois c’est en musique, souvent la même, en boucle ; par exemple, Glenn Gould-Bach, variations Goldberg, Préludes et fugues, partita, les deux trios de Shostakovich, Astor Piazzolla, Fazil Say avec les dernières sonates de Haydn, les concerti de piano de Ravel, le Concert de Chausson, l’introduction du Requiem de Mozart ou celle de Don Juan. Je me relis à haute voix, mais l’idéal, pour moi, serait de trouver quelqu’un que je pourrais écouter me lire. A bon entendeur !